dimanche 5 juillet 2009

Miette et son environnement toxique.

Miette aurait pu prendre la décision de se faire les ongles tous les jeudis, comme sa soeur, ou d'arrêter pour de bon de manger le gras du jambon, de boire de l'alcool ou d'avoir des lectures plus intelligentes, de passer moins de temps devant l'ordinateur, de faire du sport ou d'arrêter de jurer au moindre pretexte. Mais non, Miette est trop paresseuse, gourmande, futile, encore paresseuse et même emportée. Alors, ne reculant devant aucune facilité, elle a décidé dans un élan d'ambition démesurée et d'energie hors du commun de rassembler quelques papiers (elle a dû demander à la secretaire de retrouver pour elle ceux qu'elle avait perdus)et même d'écrire une lettre de motivation.
Tout cet air brassé en vue de postuler à un poste "susceptible d'être vacant" qui lui aurait permis pendant un an au moins d'échapper à la dictature de sa supérieure hierarchique qui telle une mitose anarchique pourrit tout ce qu'elle touche. Dans un souci de respecter son anonymat (auquel elle ne tient pas en général), nous l'appellerons Mitose Rappelez-vous Vian et sa Framboise ...
Miette donc, aussi motivée qu'un jeune cadre dynamique, les dents aiguisées comme un requin de la finance, s'en va présenter son dossier à sa chef qui doit y apposer un avis entre "défavorable" et "tres favorable". Elle arbore son plus bel ultrabright, tout ratelier dehors, étincelant comme l'auréole qui nimbe l'enfant jésus, elle faux-culte tout ce qu'elle peut, elle veut avoir sa chance de s'évader de cette prison pendant une petite année alors elle rameute toute l'hypocrisie qu'elle peut et se la colle sur la tronche. Elle a toutes ses chances de l'avoir ce putain de poste, faut juste que sa pas-si-supérieure-que-ça y mette un avis tres favorable ; elle veut tellement se barrer qu'elle se sent pousser une sorte de super pouvoir capable d'imprimer ces desirs à son environnement. Et puis surtout, elle sait que la chef, elle serait trop contente de se débarrasser de cette Miette qui lui colle à la molaire, qui se fiche entre ses ratiches et fait pas joli joli devant le beau monde.

"Bonjour, Madâme, compte-t-elle fleurette. Je viens vous praisanter mon dôssier de candidature pour le poste en-dehors de votre zone d'action et de malfaisance.
-Bonjour, Mle Miette. Je vous préviens, je vais mettre "avis reservé", laisse tomber l'omnipotente.
-Mais pour pour pourquoi ?
-L'appel à candidature est arrivé bien tard. J'ai déjà tout prévu pour l'année prochaine. Votre départ chamboulerait toute mon organisation, expose doctement la toute puissante maîtresse du sort de la pauvre Miette."

Là, Miette a une pensée pour toutes ces femmes qui ne changent pas de mari parce qu'elles aiment trop leur maison, leur jardin, leur quartier, leur cuisine, la friteuse de la mère de monsieur qu'elles devraient quitter... Vous avez du mal à me suivre ? C'est juste que le côté "ah non, ça chamboulerait mon organisation" renvoie indeffectiblement notre Miette à un univers étriqué, mesquin, qui lui donne des envies de tout casser.

Revenons à notre entretien tumultueux :
Miette s'insurge mais reste mielleuse, voire larmoyante, elle sort tous ces arguments. La bataille fait rage. La chef assene quelques mensonges que Miette pare bravement. Avec l'aide d'une collègue mais néanmoins amie qui se trouvait engluée dans la même mélasse, Miette obtient un avis tres favorable.
"Mais attention, si je vous mets "très favorable", ratiocine la vilaine, je vous retire le projet sur lequel vous avez commencé à travailler cette année et que vous vouliez poursuivre l'an prochain."
Miette opère alors un rappel de vocabulaire : postuler ne signifie pas être recruté. Il serait plus sage d'attendre la réponse avant de prendre des décisions éhontées.

Rasserenée, Miette attend les résultats, en ne croyant que mollement aux tentatives d'intimidation de Mitose. En effet, il n'y aurait aucune logique à lui retirer un projet si elle reste sur place pour le conduire, sachant que personne ne peut la remplacer si elle l'abandonne.

Eh bien, savez-vous ce qui arriva ? Ce ne fut point le serpent qui creva (un carambar à celui ou celle qui retrouve l'allusion). Le poste "susceptible d'être vacant" n'a pas été évacué par celui qui l'occupait. En revanche, Miette a été démise de son projet, sans autre forme de procès. Elle restera dans ses fonctions l'an prochain mais sans la possibilité de mener à son terme ce qu'elle avait dejà bien entamé.

Le plus triste dans cette histoire, ce sont les usagers, je n'en ai pas parlé, mais ils s'attendent à poursuivre le travail commencé, ils sont motivés, ils y croient, ils se sont investis et veulent s'investir encore.
La Tres Hierarchique Mitose les a sacrifiés sur l'autel de sa fatuité.