Sa femme s’affairait aux fourneaux pendant que sa marraine et tante, assise au comptoir, sirotait une vodka orange. Benoit, eut comme un haut le corps lorsqu’il aperçut l’égérie de sa jeunesse dans sa cuisine. Sa jupe plus que fendue laissait apparaître une cuisse apparemment encore ferme que terminait une fesse qu’il connaissait presque mieux que celle de sa propre épouse. A son salut jovial et adolescent, elle se tourna et lui offrit un de ses plus beaux sourires. Il resta stupéfait. Elle lui ouvrit les bras et l’embrassa avec chaleur et affection.
Je suis ravie de faire enfin ta connaissance, Benoit.
Euh, hum, moi aussi, euh.....
Mary, tout simplement. J’ai vu vos petits mais ils sont chacun dans leur chambre ; la timidité.... on fera connaissance pendant le repas.
Benoit restait raide, c’était une femme, presque comme les autres. Plus belle, plus jeune, plus attractive et definitivement plus sexuelle mais sa façon de l’aborder était juste celle d’une femme. A quoi s’attendait-il donc ? Qu’elle se comporte comme dans les films où elle ouvrait la porte au plombier, au facteur, au témoin de Jehovah ? Quel idiot ! Actrice est un métier, il l’avait juste oublié. Ou bien pensait-il qu’il y avait chez ce type de comédienne un tel investissement physique qu’elle ne pouvait réellement jouer un rôle ? Qu’elle devait être ce qu’elle jouait ? Benoit resta un instant muet devant le paradoxe du comédien ; pour dissimuler son trouble, il s’ouvrit une bière aussi nonchalamment que possible et s’installa sur un tabouret haut à côté de Mary, en face de sa femme.
Alors, le voyage, pas trop long ? vous n’avez pas l’air trop fatiguée...
Mets ça sur le compte du Botox, mon chéri. J’ai voyagé comme une esclave dans un négrier. C’est presque étonnant qu’ils nous mettent pas les uns sur les autres là-dedans. Faut dire, ça faut un bail que j’ai pas voyagé en économique... Franchement, on supporte mieux les voyages quand on est riche !
Ne sachant que répondre, Benoît prit le parti de trinquer.
Et toi, Betty, tu ne bois rien ?
Tu vois bien que je suis en train de cuisiner. Je prendrai un verre avec vous pendant le repas.
Apres une demie heure de bavardages insipides dont l’aspect abscons cachait à peine une volonté polie de détendre l’atmosphère et surtout une peur gigantesque du silence, la famille se trouvait à table, au grand complet.
Valérie faisait clairement la tête, parce qu’on lui avait refusé l’autorisation d’aller au concert des Tamèrelapute samedi soir avec des copains. Du coup, elle ne pipa pas un mot de tout le repas.
Quentin, par contre, était en verve et surtout en paroles. Du haut de ses cinq ans, il bombarda Mary de questions.
Tu dormiras à la maison ? Combien de dodo tu vas faire avec nous ?
Euh, je ne sais pas encore... je vais rester quelques nuits, le temps qu’on fasse connaissance.
Maman m’a dit que t’es ma tata...
C’est vrai, je suis la tata de ta maman, donc je suis aussi ta tata.
Pourquoi qu’on se connaît pas, alors, si t’es ma tata ? demanda-t-il, méfiant.
Tu sais mon chéri, intervint Betty, Mary a beaucoup voyagé pour son travail, elle n’avait pas le temps de s’arrêter. Maintenant, elle a arrêté son travail, donc elle prend du temps pour venir nous voir.
Quentin se tourna vers sa soeur, sa complice de toujours ; la spécialiste des interventions inopinées et inopportunes qui le ravissaient tant elles mettaient tout le monde mal à l’aise.
Mais Valérie boudait, définitivement. Elle ne leva pas même le nez de son assiette.
Il devait se débrouiller seul.
C’est quoi ton métier, tata ?
J’étais actrice. Je voyageais beaucoup.
Benoit toussa. Betty s’essuya la bouche d’un air contrit.
Tu as fait des films ? tu connais des stars ? Dis, tu connais Lucky Luke ?
Tu n’as pas vu les films de Mary, Quentin, tu es trop petit. Et Lucky Luke n’existe pas réellement, c’est un dessin, raisonna la mère de famille.
NOOOON ! Lucky Luke existe en vrai ! je le sais, moi ! et toi tu sais pas ! Et puis j’ai vu les films de Mary, moi ! hurla Quentin.
Cris qui valurent au jeune Quentin exclusion de table et isolement dans sa chambre. C’était comme cela chez les Guerier-Rocquebert, on ne plaisantait pas avec ce qui avait droit d’existence, ni avec la culture en général.
Restèrent à table une adolescente taciturne et un couple peu à l’aise avec les actrices porno rangées des voitures qui s’invitaient à leur table.
Tu penses rester combien de temps ? demanda Betty comme si de rien n’était.
Benoit la coupa :
Elle restera autant qu’elle voudra, elle fait partie de la famille, ma chérie.
Il n’utilisait jamais autant d'hypocoristiques que lorsqu’il devenait fourbe. Il voulait garder Mary le plus longtemps possible , il n’aurait su dire pourquoi exactement mais il souhaitait garder son rêve de jeunesse près de lui, contre son coeur, comme si la rémanence de ce personnage qu’elle avait incarné pour lui avait arrêté le temps, l’avait rajeunit même, réouvrant d’un coup le champ des possibles.
Betty ne pouvait qu’acquiescer à cette déclaration, ce qu’elle fit, en femme bien éduquée.
Mary ajouta :
Vous savez, tous les deux, après ce que je viens de passer, j’ai vraiment besoin de repos. J’ai besoin de m’éloigner de mon milieu, de la ville. Ici c’est l’idéal, personne ne me connaît, c’est tellement paumé.
Sa nièce apprécia le compliment qu’elle fit passer avec une gorgée de Chateau Lafitte.
Le repas s’acheva dans le calme, chacun s’escrimant à trouver des banalités alors que chacun avait en vérité tant à dire. On resta à examiner son assiette comme si elle recelait des trésors. Puis Betty débarrassa, ce qui donna à chacun le signal pour rejoindre sa chambre.
Je suis ravie de faire enfin ta connaissance, Benoit.
Euh, hum, moi aussi, euh.....
Mary, tout simplement. J’ai vu vos petits mais ils sont chacun dans leur chambre ; la timidité.... on fera connaissance pendant le repas.
Benoit restait raide, c’était une femme, presque comme les autres. Plus belle, plus jeune, plus attractive et definitivement plus sexuelle mais sa façon de l’aborder était juste celle d’une femme. A quoi s’attendait-il donc ? Qu’elle se comporte comme dans les films où elle ouvrait la porte au plombier, au facteur, au témoin de Jehovah ? Quel idiot ! Actrice est un métier, il l’avait juste oublié. Ou bien pensait-il qu’il y avait chez ce type de comédienne un tel investissement physique qu’elle ne pouvait réellement jouer un rôle ? Qu’elle devait être ce qu’elle jouait ? Benoit resta un instant muet devant le paradoxe du comédien ; pour dissimuler son trouble, il s’ouvrit une bière aussi nonchalamment que possible et s’installa sur un tabouret haut à côté de Mary, en face de sa femme.
Alors, le voyage, pas trop long ? vous n’avez pas l’air trop fatiguée...
Mets ça sur le compte du Botox, mon chéri. J’ai voyagé comme une esclave dans un négrier. C’est presque étonnant qu’ils nous mettent pas les uns sur les autres là-dedans. Faut dire, ça faut un bail que j’ai pas voyagé en économique... Franchement, on supporte mieux les voyages quand on est riche !
Ne sachant que répondre, Benoît prit le parti de trinquer.
Et toi, Betty, tu ne bois rien ?
Tu vois bien que je suis en train de cuisiner. Je prendrai un verre avec vous pendant le repas.
Apres une demie heure de bavardages insipides dont l’aspect abscons cachait à peine une volonté polie de détendre l’atmosphère et surtout une peur gigantesque du silence, la famille se trouvait à table, au grand complet.
Valérie faisait clairement la tête, parce qu’on lui avait refusé l’autorisation d’aller au concert des Tamèrelapute samedi soir avec des copains. Du coup, elle ne pipa pas un mot de tout le repas.
Quentin, par contre, était en verve et surtout en paroles. Du haut de ses cinq ans, il bombarda Mary de questions.
Tu dormiras à la maison ? Combien de dodo tu vas faire avec nous ?
Euh, je ne sais pas encore... je vais rester quelques nuits, le temps qu’on fasse connaissance.
Maman m’a dit que t’es ma tata...
C’est vrai, je suis la tata de ta maman, donc je suis aussi ta tata.
Pourquoi qu’on se connaît pas, alors, si t’es ma tata ? demanda-t-il, méfiant.
Tu sais mon chéri, intervint Betty, Mary a beaucoup voyagé pour son travail, elle n’avait pas le temps de s’arrêter. Maintenant, elle a arrêté son travail, donc elle prend du temps pour venir nous voir.
Quentin se tourna vers sa soeur, sa complice de toujours ; la spécialiste des interventions inopinées et inopportunes qui le ravissaient tant elles mettaient tout le monde mal à l’aise.
Mais Valérie boudait, définitivement. Elle ne leva pas même le nez de son assiette.
Il devait se débrouiller seul.
C’est quoi ton métier, tata ?
J’étais actrice. Je voyageais beaucoup.
Benoit toussa. Betty s’essuya la bouche d’un air contrit.
Tu as fait des films ? tu connais des stars ? Dis, tu connais Lucky Luke ?
Tu n’as pas vu les films de Mary, Quentin, tu es trop petit. Et Lucky Luke n’existe pas réellement, c’est un dessin, raisonna la mère de famille.
NOOOON ! Lucky Luke existe en vrai ! je le sais, moi ! et toi tu sais pas ! Et puis j’ai vu les films de Mary, moi ! hurla Quentin.
Cris qui valurent au jeune Quentin exclusion de table et isolement dans sa chambre. C’était comme cela chez les Guerier-Rocquebert, on ne plaisantait pas avec ce qui avait droit d’existence, ni avec la culture en général.
Restèrent à table une adolescente taciturne et un couple peu à l’aise avec les actrices porno rangées des voitures qui s’invitaient à leur table.
Tu penses rester combien de temps ? demanda Betty comme si de rien n’était.
Benoit la coupa :
Elle restera autant qu’elle voudra, elle fait partie de la famille, ma chérie.
Il n’utilisait jamais autant d'hypocoristiques que lorsqu’il devenait fourbe. Il voulait garder Mary le plus longtemps possible , il n’aurait su dire pourquoi exactement mais il souhaitait garder son rêve de jeunesse près de lui, contre son coeur, comme si la rémanence de ce personnage qu’elle avait incarné pour lui avait arrêté le temps, l’avait rajeunit même, réouvrant d’un coup le champ des possibles.
Betty ne pouvait qu’acquiescer à cette déclaration, ce qu’elle fit, en femme bien éduquée.
Mary ajouta :
Vous savez, tous les deux, après ce que je viens de passer, j’ai vraiment besoin de repos. J’ai besoin de m’éloigner de mon milieu, de la ville. Ici c’est l’idéal, personne ne me connaît, c’est tellement paumé.
Sa nièce apprécia le compliment qu’elle fit passer avec une gorgée de Chateau Lafitte.
Le repas s’acheva dans le calme, chacun s’escrimant à trouver des banalités alors que chacun avait en vérité tant à dire. On resta à examiner son assiette comme si elle recelait des trésors. Puis Betty débarrassa, ce qui donna à chacun le signal pour rejoindre sa chambre.