mercredi 7 novembre 2007

Dis-moi où t'habites...

Dans mon île, il y a un village qui s'appelle La Confiance, et je n'habite pas sur une carte du Tendre, loin s'en faut. Dans ma mémoire, il y a une chanson d'eglise que je me chante à chaque fois que j'y passe ; ça fait : "trouver dans ma vie ta présence / tenir une lampe allumée / choisir d'habiter la confiance / aimer et se savoir aimer". Eh oui, sans être baptisée, avec un père chrétien et une mère musulmane, je connais quand même des chansons pieuses, restes de ma scolarisation dans le privé catholique... C'est ça aussi, la culture !
J'aime bien les paroles de cette chanson, je trouve que ça fait pas trop bigot et que c'est même une jolie chanson d'amour. J'aime me la chanter à tue-tête tout le temps que je traverse cet écart de Saint-Benoit, heureusement pour la météo, fort petit. De toute façon, c'est dans l'Est de l'île et il pleut beaucoup par là-bas, alors : pas de scrupule !

Oui, je trouve ça beau comme expression "choisir d'habiter la confiance". Marie-Benedicte a fait ce choix . Elle avait là une jolie petite case en bois sous tôle, avec un manguier et un pied de letchi dont les branches ployaient sous les fruits dès la fin novembre. Qu'elle était bien dans mon ti bout de paradis ! Elle aimait des choses simples, faire la sieste quand la pluie tambourinait sur le toit de tôle en été, regarder les mangues grandir et grossir à partir du mois d'août. C'était un petit bonheur simple que sa vie à La Confiance, mais c'était son bonheur et elle le protégeait comme un trésor de prix, elle aurait tout donné pour que ce "ti bonnér" dure toute la vie.
Puis elle a dû déménager parce qu'au fond, ça craint quand même un peu, ce bled. Quand tout va bien, on finit pas s'ennuyer... Et puis il y avait un drôle de mec dans son quartier, il avait rien à foutre là, il faisait rien que de polluer son joli village sous les nuages (vu que je chante sà chaque fois que j'y passe). Lui, il avait pas choisi d'habiter la confiance, il avait choisi d'en profiter, d'en user et d'en abuser. Pas bien.
Alors Marie-Benedicte a empaqueté ses petites affaires, elle a pris son baluchon, salué le manguier et le pied de letchi. Elle a refermé la porte de sa case, elle qui était toujours ouverte n'a rien compris à ce changement subit. Elle a descendu la pente, quitté les nuages et a retrouvé la côte.
Elle s'est installée dans un abri de fortune, près de l'océan, à l'embouchure d'une ravine. L'océan est mauvais comme tout , sombre et profond, plein de courants imprévisibles. Y a même des putains de requins qui croisent trop près du bord et qu'attendent juste que tu foutes un pied à la baille pour te le bouffer. Marie-Bénédicte n'y est pas si mal, finalement. Elle passe ses journées à regarder l'océan en pensant à l'odeur des mangues tombées de l'arbre, au bruit de la pluie sur la tôle. Ses souvenirs lui tiennent lieu de vie.
Si vous la croisez, ne lui demandez pas comment elle est arrivée là ; elle n'en sait rien.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

T'as une putain de patte pour écrire! A chaque fois une parabole...
Que le grand cric me croque, que le vent m'enporte, je reste soufflée!!

PS: on est mardi 13, c'est normal que ton post date du 7?
Bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz.

ramasse-miette a dit…

Ben , j'ai dû commencer à l'ecrire le 7 je suppose.
Attention, le grand cric peut te faire vachement mal s'il te croque !