mardi 5 juillet 2011

Numquamne familia mea quieta erit ? Episode 8

Quelques dix jours après la résurrection fugace de la passion conjugale, le calme mâtiné d’amertume qui faisait le quotidien de la famille s’était réinstallé. Un soir, alors que Betty, particulièrement fatiguée par la gestion de sa famille et le zèle qu’elle mettait à formater sa tante au milieu bourgeois, était montée se coucher avec un roman, Benoît partageait un dernier verre celle que les enfants appelaient désormais «tata mimi». Le chassagne-montrachet mêlait ses arômes de miel et d’amande à l’éclat des yeux de Marie. L’esprit embrumé de Benoît se plaisait à voguer vers le vert paradis des amours enfantines, qui correspondait pour lui à la belle époque de l’ex-actrice porno. Après avoir épuisé les sujets les plus courants, les enfants, la famille, la discussion se porta sur le métier de Benoît puis tout naturellement, dans un esprit de réciprocité propre aux bavardages mondains, sur la profession de Marie.
Elle, qui se voyait actrice et artiste, répondait sans pudeur aux questions de son presque neveu. Elle lui racontait ses meilleurs moments, les pires, les douleurs et les fous-rires. Les lieux de tournage les plus beaux comme certaines plages de Guadeloupe et les plus incongrus comme le chantier naval de Saint Nazaire. Elle lui parla des prises de bec entre actrices et des rivalités, des mesquineries et autres coups en douce qu’elles pouvaient se faire. Elle raconta aussi les mycoses et autres champignons. Elle raconta encore les performances : le pipi, le caca, les accessoires inimaginables comme les fucking-machines, les positions acrobatiques que seules quelques unes étaient capables de tenir. Elle avait aimé cette vie sous les projecteurs, elle avait mené une brillante carrière.
Elle raconta aussi l’amour, mais sans entrer dans les détails. Elle savait que Julien avait été son plus grand bonheur et sa plus terrible souffrance. Il fallait juste l’oublier.
Comme elle évoquait cette amour défunte, une larme de vin blanc perla au coin de son oeil. Benoît y vit une invitation à la consoler. L’oeil concupiscent mais la main amicale, il prit Marie par l’épaule et la laissa s’épancher contre son buste. Elle se laissa aller à pleurer franchement, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années en présence d’un autre être humain. Alors, encouragé par l’alcool, il la caressa avec plus d’insistance et moins d’amitié. Lorsqu’il tenta de glisser son doigt dans sa culotte, par-dessous la micro jupe, Marie eut une sorte de haut le corps, se recula d’un coup, éberluée, et, pleurant de plus belle, courut jusque dans sa chambre. Benoît n’y comprenait rien : c’était bien la première salope qui ne se laissait pas faire. Fort du pouvoir de son sexe, il lécha le doigt duquel il avait touché son rêve et se servit le fond de la bouteille avant d’aller rejoindre le lit conjugal.

Cette nuit-là, Marie ne dormit pas. Elle pleura une fois de plus toutes les larmes de son corps surmené. Elle se sentait salie, trahie, meurtrie. Jamais on ne l’avait touchée de force depuis ce moustachu en Allemagne alors qu’elle rejoignait son auberge de jeunesse après une soirée en discothèque. Elle avait 14 ans.

A 6 heures, Betty la trouva dans la cuisine. Le café était fait, la table mise. Marie était vêtue d’un jean non déchiré, à la taille extrêmement basse et d’un t-shirt Tomaxxx indécodable pour la trop rangée Betty. Elle avait déjà bu deux ou trois cafés et ses yeux cernés s’amusaient de l’expression eberluée de sa nièce.

- Mais, Marie, qu’est-ce qui se passe ? Tu es tombée du lit ?
- C’est presque ça ma chérie... j’ai décidé de passer la journée avec toi. C’est samedi et je suis sûre que ton mari voudra bien garder les enfants.
- Mais...
- Pas de «mais» ! Tu es avec moi aujourd’hui.

Devant le ton péremptoire de Marie, Betty ne put que s’incliner. Comprenant qu’elle ne pourrait se soustraire à cette journée aventureuse - car tout ce qui sortait de son quotidien ordinaire était par définition extra-ordinaire et vécu comme tel. L’idée de passer une journée hors de sa vie la faisait sourire et l’excitait un peu : qu’est-ce que Marie avait encore imaginé ?
A 8 heures et demi, Benoît fit son apparition dans la cuisine. Il embrassa sa femme sur la joue et lança à marie un «bonjour» faux. Il semblait d’humeur chafouine et Betty craignait qu’il ne lui interdise de sortir. Ce fut Marie qui d’emblée prit les choses en main. Elle planta son regard sur les yeux de l’infâme, plongés dans son café, avec une telle acuité qu’elle l’obligea à lever la tête.

- Mon cher neveu, c’est samedi aujourd’hui, tu ne travailles pas ?
- Non, mais...
- J’ai entendu que Valérie voulait un nouveau blouson et que Quentin avait envie de manger au Quick. Il va falloir les emmener au centre commercial. Et un petit ciné leur ferait sûrement plaisir...
- Pas de problème, Marie. Allez-y, moi, j’ai des affaires administratives à régler avec la sécu, bredouilla-t-il, gêné.
- Non non, tu ne me suis pas, Benoît. C’est toi qui va les emmener faire tout ça...

Comme Betty était tournée vers le lave-vaisselle, Marie durcit son regard et tendit bien droit un majeur menaçant devant son nez, en faisant légèrement tourner son poignet. Benoît toussa légèrement, il avait avalé son café de travers. L’éructation fit se retourner Betty qui put voir sa tante caresser familièrement le dos de son mari. Elle sourit à ce geste affectueux. Elle était heureuse de voir que les relations entre ces deux personnes n’avait rien que d’amical. Quand Benoît eut retrouvé son souffle et sa voix, il dit tout simplement, quoique fort bas :

- Pas de problème. Allez vous amuser entre filles, vous avez besoin de vous retrouver un peu. Je m’occuperai de mes paperasses plus tard. Mais... pas de bêtises, hein ? Soyez sages...
Il lança un clin d’oeil à Marie, protégé par la présence de sa femme à laquelle il sourit, l’air mutin.Betty pouffa dans son torchon.

Enfin, Quentin vint se mettre à la table du petit-déjeuner. Il avait un appétit d’ogre le matin et Marie s’amusait à lui beurrer ses tartines qu’elle nappait ensuite d’une belle couche de confiture de fraise. Il sauta de joie quand celle-ci lui annonça le programme de la journée avec son papa. Il colla à tous ceux qui étaient réveillés un énorme baiser collant et repartit bien vite à ses tartines. Son cri de joie fit venir l’adolescente, qui affichait la mine réjouie des treize ans qui commençaient à fleurir sur ses joues et son front. Les cheveux en bataille, l’air renfrogné comme jamais, elle cracha :
- Qu’est-ce qu’il a le débile ? Il croit que c’est déjà Noël ?
- Valérie ! Un peu de respect pour ton petit frère s’il te plaît ! cria Betty.

Benoît quitta la pièce, assommé à l’idée de passer une journée à gérer les conflits fraternels et à entendre les récriminations de l’une et les désirs pressants de l’autre. Il s’enferma dans les toilettes, tira de la poche de son pantalon son téléphone qui ne le quittait jamais et composa un message en soupirant : Ne m’attends pas. Je ne pourrai pas venir cet après-midi. Je t’appelle. Tendre baiser. ♥ La famille, c’est sacré. Il l’avait prévenue.

Pendant ce temps, Marie et Betty exposaient à Valérie ce qu’elle risquait de manquer si elle n’adoucissait pas le ton de sa voix. L’adolescente intéressée reçut le message 5 sur 5 et se transforma en un rien de temps en ce qui ressemblait à une petite fille modèle, absorbée par la liste de dépenses qu’elle prévoyait mentalement pour son père.

Betty contourna le bar et retira l’éponge de la main de Betty.
- Va t’habiller. Et pas en bonne soeur, hein !
Docile et un peu nerveuse, Betty alla se préparer. Elle avait envie de faire des bonds, un sourire immense fendait son visage de mère lasse. Elle passa une robe de coton léger qui mettait en valeur son corps svelte et laissa ses cheveux lâchés. Elle enfila une paire de trotteurs, mis un peu de gloss qu’elle piqua dans la chambre de Valérie et se présenta à sa tante qui l’attendait, assise sur le canapé, fin prête comme toujours.

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